mercredi 20 février 2013

L'Ombre des Hommes

Ce projet est né en novembre 2012. Je travaillais sur "Le Dernier Rêve" (qui est à l'abandon pour le moment). Un passage de ce texte me tenait très à coeur et je décidais de me consacrer à ce récit qui devrait devenir le pilier de mes autres projets avenir.
Pour comprendre je poste tout de suite l'extrait en question. Il est loin d'être achevé puisque "L'Ombre des Hommes" prend une tournure totalement différente, mais l'esprit est là.
Pour comprendre un peu le contexte, Maona, jeune humaine, vient d'arriver dans le monde d'Imijnda. Ici elle est atablée en compagnie de Gaspard (dit la souris), Arthur (dit le chat) et Vitellius (un centaure), qui lui expliquent la fondation de leur monde, voilà ;) :

"—Il y a bien longtemps dans ton monde que l’on nomme couramment Orego, les êtres vivants étaient dénués de rêves et ne savaient pas se servir de leur imagination. Ceux, qui plus tard se baptiseront ‘homme’, ne vivaient que pour contenter leurs besoins les plus rudimentaires. N’ayant aucun respect pour la vie, ils ne pensaient qu’à se battre. Pourtant un jour, l’un d’eux, voyant son espèce s’éteindre à force de conflit, eut l’idée de créer. Pour la première fois, il utilisa son imagination pour modeler la matière en outil. De ce simple geste, il changea le destin de son peuple tout entier. Suivant son exemple les hommes commencèrent à faire des rêves, à voir plus loin que le présent. Jamais ils n’oublièrent celui qui leurs avait montré le chemin et le nommèrent Le Créateur.
Maona écoutait attentivement. Elle n’avait jamais pensé à la préhistoire comme cela. Jusqu’à présent, la jeune fille considérait cette période comme sans intérêt. Pourtant l’intonation du centaure, la passion qu’il mettait dans ses mots, attisèrent sa curiosité. Vitellius ne faisait pas le récit historique d’Imijnda mais une profession de foi.
—Ce que le Créateur ne savait pas, c’est quand faisant preuve d’imagination, il créa un être monstrueux qui terroriserait jusqu’au plus brave des chasseurs. Cette effroyable créature faite de suie et de poix, prit racine dans les cauchemars des hommes. Il n’était ni humain ni mortel, impossible de le tuer. Pour le combattre, le Créateur demanda l’aide des femmes. Qui mieux qu’une mère pouvait faire oublier un mauvais rêve ?
Six furent choisies parmi les peuples des hommes du feu et furent appelées les Tisseuses.
Novices en magie, elles durent s’éloigner vers des contrées inconnues pour étudier la nature et comprendre comment enchaîner la créature de l’ombre. Toutes les six partirent le jour du Haut Soleil, et se laissèrent douze lunes avant de se réunirent de nouveau.
Pendant tout ce temps, l’être des ténèbres régna sur les hommes, les poussant à commettre des méfaits plus abjects les uns que les autres. Le Créateur tenta tant bien que mal de canaliser son peuple contre leur ennemi, malheureusement la créature était plus rusée.
—Qui était-elle, coupa Maona.
—Pardon ? demanda Vitellius.
—La créature. Comment s’appelait-elle ? Les hommes ont bien dû lui donner un nom ?
Le centaure fronça le front. Il dévisagea la jeune femme comme si elle avait posé une question indécente. Maona ne savait plus quoi faire ni quoi dire. Devait-elle s’excuser ? De quoi ? Elle n’avait rien dit de mal.
—En effet, intervint Gaspard. Mais ce nom a été oublié depuis longtemps. Les hommes ont préféré passer sous silence toute cette période, par honte et par lâcheté.
Maona remercia Gaspard du regard, se promettant de ne plus interrompre le centaure.
—Aujourd’hui, reprit Vitellius, nous autres les féériques, le nommons le Pestiféré, mais qu’importe, son nom en lui-même importe peu. Ce qui l’est, en revanche, c’est la nature même de cette créature : la peur.
—Comment ça ?
Maona se mordit la lèvre, elle avait encore parlé ! Pourquoi n’arrivait-elle jamais à retenir sa langue ? Cependant, Vitellius lui répondit, cette fois sans un regard de reproche.
—Tu vas comprendre. La bête, le Pestiféré, ne se montrer pas le jour. Il venait la nuit pendant que les hommes dormaient. Il choisissait une cible et s’infiltrait en lui. Dégoulinant de poix, il pénétrait par la bouche, le nez ou tout autre orifice, s’immisçant dans l’esprit, torturant la chaire. Quand il était certain de détenir le souvenir le plus honteux ainsi que la peur la plus profonde, le Pestiféré les combinait ensemble pour contrôler les pensées de sa victime. Et dès le lendemain, la créature s’employait à modeler son hôte à son image. A chaque minute, à chaque heure, il harcelait le pauvre diable de pensées noires et d’idées perverses. Jusqu’au moment où l’homme perdait sa raison et commettait l’inexcusable, alors seulement la bête le libérait, le laissant seul avec sa conscience, mais surtout face à ses semblables qui, le plus souvent, l’achevaient.
Quand vint le jour où les Tisseuses se réunirent de nouveau, le clan des hommes était décimé. Il ne restait plus que quelques enfants affamés et des vieilles femmes trop faibles pour intéresser la bête. Le Créateur avait était infesté, mais dans un regain de raison, avait demandé à être ligoté pour ne causer de tord à personne. Cela faisait trois lunes qu’il luttait contre le mal qui le rongé.
Maona pensa à cet homme, les mains liées, se battant seule contre ses propres démons. Elle ne put imaginer son calvaire. Elle réprima un frisson.
Durant le récit, le feu avait diminué, la pièce ne bénéficiait plus de la clarté de la lune blanche qui avait disparu derrière les arbres. Un air glacé enveloppait les convives. La jeune femme se frictionnait ses bras nus quand Arthur, toujours silencieux, vint lui apporter une demi-cape en laine brune. Avec, il avait ramené un plateau chargé de tasses et une théière fumante. Tous acceptèrent la boisson avec gratitude. Après une gorgée du breuvage brûlant, Vitellius reprit.
—Les Tisseuses se retrouvèrent donc. Chacune ramenant un savoir nouveau. La plus jeune, elle, ne revint pas seule. Elle portait en son sein un avenir nouveau. Les cinq autres firent grand cas de son état. Il y avait donc d’autres hommes dans le monde capable de leur donner une progéniture. Les femmes en furent bouleversées. Tout au long de leurs voyages, elles n’avaient rencontré que végétation et faune sauvage. Ragaillardies par cet espoir, les Tisseuses mirent leurs connaissances en commun et créèrent un sortilège capable d’enfermer le Pestiféré. Mains dans la main, elles formèrent un cercle, déposèrent en son centre diverses offrandes à la nature et entamèrent un chant ampli de tous leurs rêves de bonheur, de paix et d’amour : La religion était née.
Mona fit une moue dubitative. Elle se demandait si Vitellius lui racontait la naissance de la religion, ou s’il faisait l’apologie de la-sienne. Toutefois, elle ne prit pas le risque d’interrompre le centaure et resta silencieuse jusqu’à la fin.
—Les Tisseuses psalmodièrent une prière à la Nature, lui demandant une cage pour la créature de la nuit. La réponse se fit brutale. Une grande lumière multicolore descendit des cieux pour toucher la porteuse de vie. Celle-ci perdit les eaux instantanément, et la douleur suivit rapidement. Apeurée, la jeune femme rompit le cercle, fit quelques pas et trébucha au centre, parmi les offrandes. Allongée, le dos arqué, la future mère appela ses consœurs en aide en vain. La tisseuse étant toujours baignée par l’arc-en-ciel, les cinq autres eurent peur de rompre le charme et la laissèrent seule dans l’enfantement. C’est ainsi que naquît une petite fille aux cheveux d’ébène. A son premier cri, la lumière se retira, emportant avec elle le nouveau né. Depuis ce jour, le Pestiféré ne sévit plus dans Orego. Les Tisseuses avaient réussit. De leur chant est né une enfant, mais aussi un monde. Le notre, Imijnda.
La tasse en porcelaine tinta quand Vitellius la reposa sur sa coupelle. Il se resservit en thé, dans des gestes lents et calculés, comme s’il effectuait un cérémonial. Maona l’observait réaliser ce petit rituel, réprimant son envi de hurler pour connaître la suite. Gaspard passait et repassait sa main sous sa casquette, démontrant que son impatience devait être au moins aussi grande que celle de la jeune femme. Enfin le centaure se racla la gorge et continua, non sans leur lançait un regard amusé.
—Des rêves des Tisseuses était née Imijnda qui agit comme une cage sur le Pestiféré. Au début, notre monde était aussi grand qu’une petite ville, sans terre ni ciel, juste un vide. Une fois enfermé dedans, la créature vit son pouvoir s’affaiblir. De leur côté, les six femmes pleurèrent et glorifièrent l’enfant volée, lui accordant tout le bénéfice de leur réussite. Elles lui dédièrent un culte, celui de l’enfant béni, qui fut célébré à chaque solstice d’été.
Le Créateur, libéré de son mal, remercia les Tisseuses de leur triomphe. Pourtant un doute le submergeait : comment être sûr que la bête reste enfermée. La réponse lui apparut en rêve. Une enfant de près de cinq printemps pénétra ses songes. « Les rêves sont puissants, lui dit-elle, l’imagination des hommes est immense. Apprends à ton peuple l’art de créer par l’esprit. Le beau et le merveilleux sont l’arme dont tu as besoin. Surtout n’oublie jamais de croire et le mal s’éteindra. »
A son réveil, le Créateur possédait le savoir nécessaire pour accomplir sa tâche. Il consacra sa vie à conter des mythes et des fables. Imijnda grandit de petite ville à pays, puis à continent. Ce nouveau monde se peupla d’êtres féériques, nos ancêtres. Leurs légendes se répandirent dans tout Orego. Les hommes se mirent à croire en eux, leurs conférents une force incommensurables. Nos ancêtres chassèrent le Pestiféré de Imijnda pour une prison beaucoup moins spacieuse. Et nous autres le maintenons enfermé depuis tout ce temps.
Vitellius s’arrêta, son récit était fini. Maona se passa une main sur la bouche. L’histoire avait été très instructive mais elle ne connaissait toujours pas le rôle qu’elle devait y jouer.
—Et moi ? demanda-t-elle, que suis-je sensé faire ? Pourquoi avoir besoin de moi si « tout est bien qui finit bien » ?
Cette fois, ce fut Gaspard qui prit la parole.
—Aujourd’hui Imijnda est en danger, il semblerait que les hommes n’imaginent plus. Ils ne savent plus créer.
—Pardon ? s’insurgea Maona. C’est totalement faux. Les galeries d’art foisonnent à travers le monde, l’industrie cinématographique a fait un bond incroyable, et même en temps de crise, les gens continuent de lire…
—Tu as dis le mot, « industrie », la coupa Gaspard. Tout est devenu profit, rendement, profit, rendement, il n’y en a plus que pour l’argent, voilà le nouveau rêve des hommes : l’argent. Dès que quelqu’un a une idée originale, elle est reprise et exploitée jusqu’à épuisement. Notre monde se sature, certaine espèce s’éteigne par manque de nouveauté. Notre force diminue, le Pestiféré reprend du pouvoir. On arrive encore à le maintenir emprisonné, mais pour combien de temps.

4 commentaires:

  1. GOOD JOB !!! je trouve ça très bien écris ! c'est pas mal du tout ! :)

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  2. J'avais déja lu cet extrait dans les papyrus il me semble mais le relire à la lumière de ce que tu dévoiles dans les challenges le rend encore plus interessant :)
    Allez courage pour ton blog et la suite de ton challenge !!

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    1. Oui c'est bien le papyrus (ou une partie tout du moins), tu remarqueras que ça a bien changé quand même depuis ce petit récit ;)
      On se retrouve sur le challenge <3

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